22 January, 2021

Appel à l’écoute des mouvements progressistes dédiés à la justice sociale en Inde

Le Nouveau Parti démocratique et le Parti libéral du Canada se doivent de prendre position contre la loi sur la citoyenneté indienne votée en 2019, ainsi que contre les violations systémiques des droits humains promues et perpétrées par le Bharatiya Janata Party, parti au pouvoir depuis 2014, réactionnaire de par sa nature ultranationaliste. 

Coalition Courage, Janvier 2021, Canada.

Le gouvernement nationaliste indien a mis de l’avant des projets de lois anti-démocratiques et répressifs tout au long de l’année 2020, une période façonnée selon le Human Rights Watch, par une «[…]répression systématique et violente des droits humains, de nouvelles restrictions à la dissidence et à l’espace civique, une hausse des poursuites contre les défenseurs des droits humains, et la présence grandissante de discours haineux et discriminatoires visant les minoritées et autres groupes vulnérables».

Du 19 décembre 2019 au 24 mars 2020, des millions de manifestants prirent les rues afin d’opposer l’amendement légiféré par le BJP, modifiant la loi sur la citoyenneté indienne, un confinement national activé le 25 mars visant à limiter la propagation du COVID-19 mettant fin aux démonstrations.  L’amendement fut déclaré inconstitutionnel par de nombreux juristes et militants de droit civil, la religion se voyant propulsée comme critère fondamental pour l’acquisition de la citoyenneté.

S’ajoutant au Registre national des citoyens (National Register of Citizens) et au Registre national de la population (National Population Registry), l’amendement n’a fait qu’amplifier la discrimination visant la communauté musulmane en Inde, repoussant le cadre laique central à l’identité nationale et constitutionelle de l’Inde décolonisée

Au sein de villes, campus universitaires et autres communautés du pays, des masses s’opposant à l’amendement ont été brutalisées par l’autorité policière. Au moins 31 personnes perdirent leur vie, des centaines d’autres, blessées. La répression policière visant étudiants, activistes et opposants à l’amendement, fut accompagnée d’une violence paramilitaire souvent perpétrée par le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), organisation affiliée au parti au pouvoir. Bon nombre de milices ultranationalistes proches du RSS allèrent jusqu’à s’introduire dans des dortoirs universitaires, battant étudiants et enseignants, la BBC rapportant même des cas impliquant des membres du personnel policier inactifs face à aux attaques. Certains policiers rejoignèrent même les miliciens dans leurs démontrations sanglantes à goût de lynchage. Ces infiltrations eurent lieu au sein de plusieurs campus à Delhi, notamment à l’université Jawaharlal-Nehru, ainsi qu’à l’université Ashoka, à Sonipat. Des dizaines de manifestants pacifiques furent tués, des centaines violentés et des milliers arrêtés, une proportion imposante de ceux-ci étant musulmans.

Pendant ce temps, l’État fédéral indien, sous le contrôle du BJP, continue d’inciter à la violence au sein de la société indienne en visant publiquement les manifestants musulmans, les blâmant pour leur propre sort. Le Premier ministre indien Narendra Modi, clame ouvertement que les groupes manifestants, composés d’étudiants et de militants des droits humains, sont à l’origine des violences, alors que des politiciens affiliés au BJP, lors de rassemblements politiques, demandent à ce que les «terroristes» (décrivant ainsi bon nombre de manifestants progressistes et musulmans) soient nourris de cartouches.

En février 2020, un groupe de nationalistes Hindou encouragés par la rhétorique islamophobe promulguée par des hauts-placés du BJP, notamment Kapil Mishra, attaquèrent des communautés musulmanes dans le district Nord-Est de Delhi, aboutissant à 53 morts et une desctruction de propriété généralisée. 

Le long de leur durée, ces pogroms anti-musulmans qui dureront plusieurs jours, ne furent pas interrompus par la police, ceux-ci laissant les massacres se dérouler, certains même y contribuant directement. Le silence du gouvernement Modi vis-à-vis de ces horreurs, trahit l’impunité sous laquelle l’islamophobie opère dans l’Inde d’aujourd’hui.  

Pendant que le coronavirus monopolise l’attention populaire, forçant les gens à s’éloigner du domaine public, l’État indien a su prendre avantage du moment afin sévir sur les groupes d’activisme anti-amendement. 

Lors des derniers mois, plusieurs manifestants, la majorité étant musulmane, furent arrêtés au moyen de la Loi sur la prévention des activités illégales. Cette loi procure au gouvernement la capacité de déclarer quiconque comme étant un terroriste, réduisant de beaucoup le droit de la dissidence, l’anéantissant complètement pour certains.  L’utilisation effrénée de cet instrument légal ne fait que démontrer la complicité de la branche judiciaire.   

En réponse à la crise actuelle qui met en péril le droit humain en Inde, les États-Unis, l’Union européenne ainsi que le secrétariat des Nations unies, ont prié le gouvernement Modi de mettre fin aux politiques discriminatoires. À cela s’ajoutent des organisations de lutte pour les droits humains tels que Human Rights Watch et Amnesty International, celles-ci se dressant contre l’amendement et contre la montée des violations liberticides et islamophobes au sein du pays. En janvier 2020, le Parlement européen propose six résolutions condamnant l’amendement pour sa contribution à la création de ce qui pourrait être décrit comme étant «la plus grande crise d’apatridie du monde». Genocide Watch émet même une alerte au genocide visant Assam et le Cachemire, deux régions indiennes à population musulmane majoritaire.

Nombreux sont ceux au Canada qui en appellent au gouvernement libéral et au Nouveau Parti démocratique de dénoncer l’amendement et le régime discriminatoire du gouvernement Modi. À Vancouver, Ie groupe Indians Abroad for a Pluralist India, ainsi que des activistes provenant du Centre d’étude et de recherche sur l’Inde, l’Asie du Sud et sa diaspora (CERIAS) et de India Civil Watch, tout deux basés à Montréal, se sont mobilisés pour répondre au despotisme de l’amendement. Malgré une multitude de manifestations à travers le pays, le gouvernement canadien reste silencieux sur l’enjeu, le NPD ne publiant que quelques énoncés de dénonciation.    

Bien que le chef du NPD Jagmeet Singh ait clairement condamné l’amendement, aucune requête de sanction ou autre mécanisme de pénalisation économique et politique, ne fut présentée auprès du gouvernement. Pour l’instant, le NPD ne semble pas détenir de plan lui permettant de construire une opposition canadienne active, engagée et efficace, préconisant plutôt une certaine passivité.  

Les liens économiques et politiques entre le Canada et l’Inde étant forts, les opportunités permettant au Canada de passer de la simple rhétorique à l’action, existent. Plus précisément, le gouvernement canadien se doit d’utiliser les négociations bilatérales en cours, concernant notamment la création d’un accord de partenariat économique global et l’éventuelle ratification d’un accord de promotion et de protection des investissements étrangers (APIE) comme instruments de pression politique. 

De plus, en réponse aux mesures discriminatoires et violentes imposées par l’État indien sur la population musulmane, toute coopération économique entre le Canada et l’Inde devrait être suspendue. Le NPD doit faire la promotion de ces mesures auprès du gouvernement. Face à la situation gravissime, seule la volonté semble manquer.

Il est aussi essentiel que la classe politique canadienne dans son ensemble, publie des déclarations claires, condamnant l’amendement et ses auteurs, ainsi que le Registre national des citoyens et le Registre national de la population, ne serait-ce que pour tenter d’inciter le gouvernement indien à les révoquer. Si celui-ci refuse de se confronter aux brutalités mises en œuvre sous son autorité et d’y mettre fin, le Canada doit sanctionner les haut-placés du BJP. 

Au-delà des paroles et des symbolismes, le Canada doit intervenir. Les crises sociales ne font que se multiplier depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Modi, un phénomène d’une grande évidence depuis la grève générale organisée par des millions de fermiers et de travailleurs s’opposant aux réformes agricoles néolibérales mises en place par le BJP. 

Soyons solidaires vis-à-vis de ces mouvements dédiés à la lutte pour la justice économique, les droits humains et l’égalité pour tous. 

Courage a rédigé ce manifeste avec la collaboration du Centre communautaire des femmes Sud-Asiatiques, de India Civil Watch et du Journal des Alternatives.